JCJC SIMI 8 - JCJC : Sciences de l'information, de la matière et de l'ingénierie : Chimie du solide, colloïdes, physicochimie

Contrôle de la cohésion de pâte de ciment par l'emploi de polyélectrolytes: vers un ciment durable – BRIDGE

Contrôle de la cohésion d’une pâte de ciment par l’emploi de polyélectrolytes : vers un ciment plus ductile

De part son excellente résistance mécanique et son faible coût, le béton est le matériau de construction le plus utilisé au monde. Cependant, son principal défaut réside dans sa très faible ductilité. L’objectif de ce projet était donc de trouver les conditions pour améliorer les propriétés élastiques de matériaux cimentaires par ajout d’un additif à base de polymères

Trouver, caractériser et rationaliser les conditions pour l’obtention d’un ciment hybride ductile

Une pâte de ciment est principalement constituée de nanoparticules de silicates de calcium hydratés (C-S-H). Ce sont les interactions entre ces nanoparticules qui sont à l’origine de la prise du ciment. Ces interactions sont de nature électrostatique (corrélations ioniques) et sont de courtes portées (quelques nanomètres). La faible portée de ces forces est à l’origine de la limite de déformation élastique du ciment est très faible (environ 0,1%).<br />L’objectif de ce projet était d’augmenter la ductilité, c'est-à-dire le seuil critique d’élasticité du ciment, par l’emploi d’un additif à base de polymère cationique. L’idée est de substituer partiellement les forces d’attraction électrostatique par le pontage des particules via les chaînes de polymères cationiques. Ces interactions par pontage sont de plus longue portée que les attractions électrostatiques de corrélations ioniques et conduisent donc à une augmentation de la limite élastique du matériau final.<br />L’élaboration de ce projet a permis d’apporter des connaissances fondamentales de physico-chimie sur les interactions entre particules colloïdales (polymères et nanoparticules minérales) dans un matériau hybride. Il s’agit aussi d’un premier pas vers le développement d’un nouveau matériau cimentaire hybride possédant des propriétés mécaniques originales. Enfin, l’industrie cimentaire étant responsable de 5% des émissions de CO2 d’origine humaine, l’obtention d’un matériau possédant de meilleures propriétés mécaniques devrait permettre de réduire la quantité de ciment à employer et de diminuer d’autant l’impact environnemental du matériau.

Le projet a consisté en deux approches complémentaires, l’une numérique sur la base de simulations de type Monte Carlo ; et l’autre expérimentale combinant diverses méthodes de caractérisations. La plus grande partie des travaux a été réalisée sur des suspensions de C-S-H pris comme modèle du ciment. Quelques essais sur ciments ont également été conduits. La simulation Monte Carlo a permis de cerner la structure (linéaire ou branchée, degré de polymérisation…) de polymère la plus efficace pour le pontage des nanoparticules de C-S-H. Ainsi, on s’est affranchi d’un balayage expérimental trop étendu de polymères de différentes structures. Le code Monte Carlo utilisé a été développé spécialement pour les besoins du projet au sein de l’équipe de chercheurs. Il est basé sur le calcul de toutes les interactions intervenant dans un système constitué par deux surfaces chargées (modélisant deux nanoparticules de C-S-H) séparées par une solution ionique contenant le polyélectrolyte. Grâce à ce code de calcul, il est possible de déterminer la pression osmotique entre les deux surfaces. Ces résultats numériques ont été complétés par des données expérimentales obtenues grâce aux techniques suivantes : (i) dosage des quantités de polyélectrolytes adsorbés par différence entre les quantités libres initiales et finales de polyélectrolyte; (ii) acoustophorèse pour déterminer le taux de charges électriques apportées par les polycations à la surface des particules; (iii) rhéométrie pour mesurer la limite d’élasticité du matériau hybride; (iv) microscopie à force atomique pour mesurer les forces d’interaction entre surfaces de C-S-H; (v) mesures de la résistance en compression et en flexion d’éprouvettes durcies par méthodes classiques d’essais mécaniques.

Ce projet a permis d’aboutir à des matériaux cimentaires modèles, hybrides organique-inorganique, aux propriétés mécaniques novatrices. Les résultats obtenus sur des systèmes modèles (C-S-H) montrent qu’améliorer la ductilité d’un ciment par l’utilisation d’adjuvants polycationiques est réaliste. L’augmentation de la ductilité a été observée pour deux conditions différentes d’élaboration des matériaux et selon deux mécanismes différents.
Le premier cas est observé à faible teneur en calcium (environ 10-3 mol/L) et avec un polymère cationique linéaire pour des faibles dosages en polymère (environ 1 g/L). Dans ce cas, la limite d’élasticité du matériau est multipliée par 10 ce qui, à notre connaissance, est une première dans le domaine des matériaux cimentaires. Les travaux ont montré que cette augmentation est due à un mécanisme de pontage des particules de C-S-H par les chaînes de polymères. La nécessité d’une faible teneur en calcium est due à la compétition calcium/polymère pour l’adsorption sur les nanoparticules de C-S-H. Ce premier cas d’augmentation de la ductilité avec un polymère linéaire pourrait donc s’appliquer aux nouveaux ciments à faible teneur en calcium, obtenus par substitution d’une partie du clinker par des sous-produits de l’industrie.
Le deuxième cas d’occurrence d’une meilleure ductilité pourrait s’appliquer au ciment ordinaire pour lequel la teneur en calcium est environ vingt fois plus grande que dans le premier cas. Des résultats prometteurs ont été obtenus (limite d’élasticité multipliée par 4) avec un copolymère zwitterionique de structure type « peigne » sur des pâtes de C-S-H. Le développement de polymères spécifiques a nécessité la collaboration avec le groupe Bozzetto, leader international dans la synthèse de ce type de polymères.

Fort des résultats probants obtenus sur des systèmes modèles cimentaires (C-S-H) dans le cadre du projet BRIDGE, une nouvelle demande ANR a été déposée à l’automne 2013 afin de poursuivre ces recherches. Le but de ce nouveau projet est de mettre à profit les résultats obtenus sur un système modèle vers un système réel, c'est-à-dire un ciment. Les objectifs fondamentaux de ce projet sont doubles. D’une part il s’agit d’étudier l’impact des polycations sur la réactivité du ciment et d’autre part, il s’agit de mieux comprendre la relation entre propriétés mécaniques et organisation spatiale des particules dans le matériau. Ce projet devrait permettre de proposer une formulation innovante de ciment composite plus écologique et aux propriétés mécaniques originales.

Controlling the cohesion of C-S-H by the use of polyelectrolytes : towards sustainable cementitious materials
F. Brunel, M. Turesson, C. Labbez, I. Pochard, S. Gauffinet
2013 International Concrete Sustainability Conference, 8 mai 2013, San Francisco (USA)

Improved mechanical properties of hybrid organic-inorganic materials
F. Brunel, M. Turesson, I. Pochard, C. Labbez, S. Gauffinet
European Materials Research Society 2013 Spring meeting, 30 mai 2013, Strasbourg (France)

Controlled interaction in C-S-H/polycation composites: effect on mechanical properties
F. Brunel, M. Turesson, S. Gauffinet, C. Labbez, I. Pochard
1st International Conference on the Chemistry of Construction Materials, 7-9 octobre 2013, Berlin (Allemagne)

Colloidal Behavior of C-S-H Nanohydrates
C. Labbez, F. Brunel, I. Pochard, A. Nonat
NANOCEM Workshop, 3-4 Octobre 2011, Lausanne (Suisse)

Le béton, mélange de ciment et de granulat, est aujourd’hui le matériau le plus utilisé au monde, en particulier pour l'habitat et la construction d’infrastructures. Outre ses bonnes propriétés mécaniques en compression, cette omniprésence, s'explique par son faible coût et l'abondance de ses constituants qui se trouvent être les principaux éléments de l'écorce terrestre (Si, Ca, O). Cependant, cette popularité n'est pas sans conséquence sur l'environnement. On estime que la production du ciment Porland est responsable d'environ 5 % des émissions humaines de CO2. Une des solutions envisageables pour diminuer son poids écologique, consisterait à réduire les volumes utilisés par l'amélioration des performances mécaniques du béton. Deux voies peuvent être envisagées. La première, déjà mise en oeuvre, consiste à augmenter la densité du matériau fini, et donc sa résistance en compression, par la réduction de la quantité d'eau utilisée lors du gâchage de la pâte de ciment en la fluidifiant par des polyélectrolytes anioniques d'un type particulier dit Combe. La seconde, serait de renforcer la faible résistance en flexion/traction du ciment hydraté. Cette dernière serait rendu possible par l'emploi de polyélectrolytes cationiques qui, comme le suggèrent de premières simulations numériques, permettraient de ponter les particules du ciment. Étonnamment, au sein de la communauté scientifique travaillant sur les liants hydrauliques, aucun travail n'a, à ce jour, été mené en ce sens. Pour ce projet, nous suivrons cette seconde voie que nous étudierons par une approche combinée expérimentale et théorique (simulations de Monte Carlo). Le travail expérimental se concentrera pour l'essentiel à des mesures d'indentation et de force par microscopie à force atomique. Les simulations de Monte Carlo seront elles basées sur une combinaison originale des ensembles grand canonique et isotension permettant d'appréhender le problème non-trivial que représente l'équilibre entre une solution « bulk » contenant de longues chaînes de polymère et une solution confinée entre la surface de deux particules. Cette recherche devrait apporter les bases au développement de liants hydrauliques plus écologiques avec de meilleures propriétés mécaniques. D'une manière plus générale, ce travail contribuera à améliorer notre compréhension et maîtrise des nombreux systèmes, aussi bien naturels qu'industriels, composés de colloïdes dispersés dans une solution de polyelectrolyte.

Coordination du projet

Isabelle Pochard (UNIVERSITE DE DIJON [BOURGOGNE]) – isabelle.pochard@u-bourgogne.fr

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

ICB (UMR 5209 CNRS) UNIVERSITE DE DIJON [BOURGOGNE]

Aide de l'ANR 185 000 euros
Début et durée du projet scientifique : - 36 Mois

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