Trajectoires professionnelles en régime d'hybridation : le cas des nanotechnologies – Hybridtrajectories

L’émergence de champs S&T s’inscrit dans trois grands types de trajectoires technologiques : une quasi-rupture vis-à-vis des vagues technologiques existantes (les biotechnologies, apparues dans une logique de destruction créative vis-à-vis des sciences de la vie) ; un régime d’accumulation ou d’approfondissement de connaissances spécialisées (la microélectronique) ; enfin un régime d’hybridation. Nous définissons un régime d’hybridation comme un régime où la nouveauté provient d'une combinaison originale de résultats venant de champs jusque là disjoints. De nombreux auteurs considèrent que les nanosciences et nanotechnologies (NSNT) se développent par un régime d’hybridation.
Le projet Hybridtrajectories explore les caractéristiques des trajectoires technologiques en régime d’hybridation, régime bien moins étudié que la rupture ou l’accumulation. Il s’intéresse aux déterminants scientifiques, organisationnels et institutionnels des trajectoires dans ces régimes.
Ce projet choisit un angle d’étude particulier, centré sur les trajectoires professionnelles des scientifiques fortement impliqués dans la constitution d’un champ S&T. Les trajectoires professionnelles fournissent en effet des marqueurs empiriques de la structuration des trajectoires technologiques tels que l’importance relative de l’hybridation, de la continuité et de la rupture S&T, les mobilités thématiques, la persistance des connaissances et les irréversibilités.
Ce projet développe cette approche pour les NSNT, champ qui est pour beaucoup synonyme d’une révolution scientifique et industrielle née de processus d’hybridation de plusieurs domaines S&T. Dès lors, les NSNT constituent un lieu d’observation privilégié et permettent de développer une réflexion générale sur les dynamiques de production des savoirs en régime d’hybridation de disciplines et de technologies existantes.
Ce projet présente un double intérêt. Pour la recherche en sciences sociales, analyser un régime d’hybridation par l’intermédiaire des trajectoires professionnelles comble un vide théorique. Cette perspective apporte en effet un éclairage de moyenne portée là où les analyses existantes sont soit agrégées, soit microsociologiques. Pour les parties prenantes du développement scientifique, l’examen des processus qui façonnent les dynamiques concrètes d’hybridation revêt aussi des enjeux importants. Il permet de déjouer les justifications déterministes au développement et ainsi de rendre discutables des choix S&T lourds de conséquences pour l’action publique.
Ce projet propose une approche originale et ambitieuse car fondée sur une enquête pluridisciplinaire (sociologie, économie, management) et sur une comparaison internationale (France / Corée). Il est organisé autour de l’étude des quatre principaux vecteurs de l’évolution des trajectoires professionnelles des scientifiques : les publications, les réseaux de coopération, les transformations du métier et identités disciplinaires, enfin les contributions institutionnelles des scientifiques.
La Corée représente une source stimulante de comparaison avec la France (importantes similarités dans l’organisation des systèmes de recherche et dans le développement actuel des nanotechnologies ; mais expansion des nanos beaucoup plus forte en Corée).
Porté par le laboratoire Pacte, HybridTrajectories repose sur un partenariat fort entre trois laboratoires rhône-alpins (Irege, Gem, Pacte) qui apportent leur complémentarité disciplinaire et ont déjà collaboré dans des projets interdisciplinaires sur les dynamiques des sciences et techniques.