Blanc SVSE 4 - Sciences de la vie, de la santé et des écosystèmes : Neurosciences

Pourquoi les motoneurones spinaux ne sont-ils pas tous affectés par la neurodégénerescence? L'hypothèse de l'hyperexcitabilité – HYPER-MND

Pourquoi seuls certains motoneurones dégénèrent lors de la Sclérose Latérale Amyotrophique?

La Sclérose Latérale Amyotrophique (SLA) est-elle due à une hyperexcitabilité des motoneurones ? L’hypothèse, souvent avancée, selon laquelle la dégénérescence sélective des motoneurones est due à une hyperexcitabilité n’a jamais été démontrée.

Etude de l’excitabilité des différents types de motoneurones.

La SLA est une maladie neurodégénérative fatale frappant des sujets adultes et pour laquelle aucun traitement curatif n’existe aujourd’hui. Comprendre pourquoi certains motoneurones dégénèrent au cours de la SLA alors que d’autres résistent serait une avancée majeure dans l’élucidation des mécanismes physiopathologiques à l’œuvre dans cette maladie. Une hypothèse pour expliquer la dégénérescence sélective des motoneurones propose que certains d’entre eux deviendraient trop excitables ce qui provoquerait leur mort. Chez les souris SOD1, un modèle animal de la SLA, les motoneurones innervant les fibres musculaires à contraction rapide et très fatigables dégénèrent en premier, suivis par les motoneurones innervant les fibres musculaires à contraction rapide mais peu fatigables, tandis que les motoneurones innervant les fibres musculaires à contraction lente ne dégénèrent pas. Notre projet repose en partie sur une nouvelle technique électrophysiologique que nous avons mise au point permettant, chez la souris profondément anesthésiée, d’enregistrer des motoneurones spinaux et de les distinguer selon les propriétés contractiles des fibres musculaires qu’ils innervent (Figure). En combinant des études électrophysiologiques et moléculaires, nous étudions 1) l’excitabilité des motoneurones au cours de la SLA chez l’animal adulte et aussi 6 à 10 jours après la naissance, c’est à dire à un moment où l’innervation des fibres musculaires se stabilise chez l’animal normal, 2°) les changements moléculaires survenant dans la région de l’axone qui détermine l’excitabilité du motoneurone, 3°) la dérégulation des gènes codant pour les protéines responsables de l’excitabilité.

Nous avons développé de nouvelles techniques électrophysiologiques permettant de différencier les différents types de motoneurones spinaux. La première technique consiste à enregistrer des motoneurones de souris adultes profondément anesthésiées pour étudier les propriétés électriques du motoneurone et la force développée par les fibres musculaires qu’il innerve (Figure). Les propriétés contractiles des fibres musculaires permettent de différencier trois types de motoneurones chez l’animal adulte. La seconde technique permet l’enregistrement de motoneurones sur des coupes de moelle épinière à un stade précoce du développement post-natal. Les caractéristiques de décharge des motoneurones permettent d’en distinguer deux types chez le nouveau né. Une fois le type d’un motoneurone identifié et ses propriétés d’excitabilité définies, nous couplons nos études électrophysiologiques à des techniques de biologie moléculaire de pointe pour expliquer les altérations d’excitabilité observées (immunohistochimie des protéines impliquées dans l’excitabilité, RT-PCR sur cellule unique pour étudier l’expression des gènes codant pour ces protéines).

Chez l’adulte, nous avons observé que les motoneurones de souris SOD1 ont une conductance d’entrée plus grande que celle des souris contrôles. Néanmoins, leur excitabilité tend à être préservée, ce qui suggère qu’il existe un mécanisme, appelé homéostasie, qui essaie de maintenir l’excitabilité malgré l’accroissement de la conductance. Nos résultats infirment l’hypothèse de l’hyperexcitabilité d’autant que dans les souris SOD1 une fraction de motoneurones, qui augmente avec l’âge, perd sa capacité de répondre à un stimulus stationnaire (perte de fonction) comme si l’homéostasie était rompue. Nous avons montré que dans les souris SOD1, la région de l’axone dans laquelle les canaux ioniques responsables des potentiels d’action sont concentrés tend à grandir. Toutefois la densité de ces canaux par unité de surface membranaire semble rester identique suggérant que le nombre total de canaux augmente. L’étude électrophysiologique chez le nouveau-né a mis en évidence deux types de motoneurones qui se distinguent par leur patron de décharge (« immediate firing » et « delayed firing »). Sur les souris SOD1, on retrouve ces deux types de motoneurones. La conductance d’entrée d’un seul des deux types de motoneurone (« immediate firing ») augmente dans les souris SOD1, ce qui les rend moins excitables. Des expériences de biologie moléculaire permettant d’identifier les ARN messagers d’un motoneurone sont en cours pour déterminer quels canaux ioniques expriment les deux types de motoneurones dans les souris sauvages et dans les souris SOD1.

Nos résultats indiquent que les motoneurones ne sont pas hyperexcitables chez les souris SOD1 adultes, mais qu’au contraire ils semblent devenir de moins en moins excitables quand l’animal vieilli. Nous étudierons si cette perte de fonction dépend du type physiologique du motoneurone. Nous examinerons si l’augmentation de conductance est due à des altérations morphologiques dépendant du type physiologique. Nos expériences chez le nouveau-né révèlent qu’à ce stade les motoneurones ne présentent pas tous la même sensibilité à la maladie. La conductance d’entrée est plus grande dans les souris SOD1 que dans les souris sauvages pour certains motoneurones mais est inchangée pour d’autres. Nous caractériserons les motoneurones par les courants ioniques et les protéines qu’ils expriment et nous tenterons de déterminer si leurs différences sont liées à leur destinée chez l’adulte.

Nos premiers résultats ont été présentés lors de Congrès internationaux (SFN, International Symposium on ALS/MND, International motoneuron meeting). Ils donnent, d’ores et déjà, lieu à deux manuscrits en cours de rédaction pour publication.

La sclérose latérale amyotrophique (SLA) est une maladie neurodégénérative répandue qui frappe les adultes et provoque la dégénerescence des neurones cortico-spinaux et des motoneurones. Aucun traitement n’est encore disponible. Des souris transgéniques sur-exprimant une mutation du gène humain SOD1 (G93A) développe le phénotype de la SLA.

L’un des traits les plus frappants chez les "souris SLA" est que tous les motoneurones ne sont pas atteints : seuls ceux qui innervent les unités motrices à contraction rapide meurent après la dégénerescence de leurs jonctions neuromusculaires. Une hypothèse majeure est que cette dégénérescence résulte d’un processus d’excito-toxicité dû à une hyperexcitabilité des motoneurones. Cette hyperexcitabilité, conjuguée à la faible capacité des tampons calciques dans les motoneurones spinaux conduirait à une concentration anormalement élevée en calcium intracellulaire aboutissant à la dérégulation de nombreuses voies cellulaires. Notre projet vise à découvrir si l’hyperexcitabilité est effectivement responsable de la vulnérabilité sélective des motoneurones « rapides ». Des altérations, pendant le développement post-natal, dans l’expression des canaux sodiques et potassiques du segment initial de l’axone, où les potentiels d'action sont générés, et de leurs protéines régulatrices, pourraient être à l’origine de l’hyperexcitabilité.

Notre projet associe des approches complémentaires. L'étude électrophysiologique de motoneurones de souris SLA in vivo à P35-45 nous permettra d’étudier leurs propriétés d’excitabilité et de les relier aux déficiences de leur jonction neuromusculaire et au type physiologique de l’unité motrice. D. Zytnicki et ses collaborateurs (Equipe 1) sont parvenus à réaliser des enregistrements intracellulaires stables de motoneurones spinaux, ce qui est la clef de la présente étude. L’analyse immunohistochimique des motoneurones enregistrés nous permettra de comparer l’expression des protéines impliquées dans l’excitabilité (canaux ioniques et sous-unités régulatrices du segment initial) dans les motoneurones atteints et ceux qui ne le sont pas (F. Couraud, Equipe 2). Ces données d’immuno-marquage, et celles d’électrophysiologie, seront incorporées dans des modèles de motoneurones pour comprendre quelles modifications de conductances expliquent la transition vers un état hyperexcitable.

Des altérations des propriétés électriques ont été constatées dans des motoneurones de souris SLA a un âge plus précoce (P6-P10) qu'il est important d’étudier aussi. En effet, la composition moléculaire du segment initial de l'axone évolue dramatiquement, en termes de canaux sodiques et potassiques, au cours des deuxième et troisième semaines post-natales. B. Lamotte d’Incamps (Equipe 1) réalisera des enregistrements en patch en configuration cellule entière de motoneurones sur des tranches de moelle épinière de souris SLA à P6-P10. Il étudiera si les motoneurones hyperexcitables sont spécifiquement ceux qui innervent une unité motrice destinée à se contracter rapidement chez l'animal adulte. Les enregistrements in vitro seront étroitement couplés à une étude en RT-PCR et à une étude plus globale du profil d’expression des gènes, grâce à la collaboration déjà engagée avec J. Melki (Equipe 3). Le cytoplasme de motoneurones sera aspiré à l’issue des enregistrements et le répertoire des ARN analysé. Nous nous concentrerons sur l’expression des gènes et les modifications d’épissage qui pourraient être responsables de l’hyperexcitabilité des motoneurones.

Une vulnérabilité sélective des motoneurones est aussi constatée dans une autre maladie grave, l’amyotrophie spinale infantile. Dans le cadre de notre projet, nous testerons l’hypothèse selon laquelle l’hyperexcitabilité membranaire est aussi une cause de vunérabilité sélective dans cette pathologie, nous déterminerons quels motoneurones sont touchés, et analyserons le profil d'expression des gènes.

Coordination du projet

Daniel Zytnicki (CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE - DELEGATION REGIONALE ILE-DE-FRANCE SECTEUR PARIS A) – daniel.zytnicki@parisdescartes.fr

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

LNP CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE - DELEGATION REGIONALE ILE-DE-FRANCE SECTEUR PARIS A
PMSNC UNIVERSITE PARIS VI [PIERRE ET MARIE CURIE]
INSERM U788 INSTITUT NATIONAL DE LA SANTE ET DE LA RECHERCHE MEDICALE - DELEGATION PARIS XI

Aide de l'ANR 510 000 euros
Début et durée du projet scientifique : - 36 Mois

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