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Caractérisation des DIgestats et de leurs filières de Valorisation Agronomique – DIVA

Comment valoriser les digestats de méthanisation ?

Evaluation technique, agronomique, économique et environnementale de la valorisation des digestats de méthanisation par (i) épandage direct ou (ii) séparation de phase puis séchage ou compostage des fractions solides et traitement biologique ou filtration membranaire des fractions liquides.

Caractériser les digestats et leurs filières de post-traitement pour une meilleure valorisation

Pour pouvoir être utilisés comme fertilisants ou amendements, les digestats doivent présenter des critères spécifiques de composition en matière sèche et organique, en minéraux, nutriments etc… et être dépourvus d’indésirables (microorganismes pathogènes, composés phytotoxiques, inertes, etc.). Ils doivent de plus être stables dans le temps. <br />La grande variabilité des filières de méthanisation développées aujourd’hui et la grande variabilité des déchets entrant dans ces filières ont conduit à des questionnements importants sur la qualité des digestats générés. Ainsi, les digestats ont le statut réglementaire de déchet et sont généralement compostés avant d’être utilisés sur les terres agricoles.<br /><br />Le projet DIVA a pour objectifs de caractériser la composition des digestats des différentes filières de méthanisation françaises et d’étudier les possibilités de valorisation de ces digestats en agriculture. Il est décomposé en plusieurs étapes :<br />1. réaliser un état des lieux des différents types de digestats produits en France et des procédés de post-traitement existants,<br />2. évaluer la capacité des digestats à être utilisés en agriculture à l’état brut ou à être transformés via des post-traitements ultérieurs pour atteindre le statut de produit,<br />3. effectuer un bilan technico-économique et environnemental (Analyse de Cycle de Vie, ACV) des filières de gestion des digestats (post-traitement et épandage) en comparaison avec l'épandage direct, afin de favoriser les filières les mieux adaptées aux objectifs agronomiques et environnementaux.<br />

Les filières de méthanisation représentatives de la diversité française ont été déterminées par une étude bibliographique et la rencontre d’experts.
Cinq filières ont été choisies : deux méthanisations agricoles, une méthanisation d’ordures ménagères, une méthanisation de biodéchets et une méthanisation territoriale.
La caractérisation des digestats de ces 5 filières a été réalisée par cinq campagnes de prélèvements réparties sur environ un an. Les résultats obtenus (paramètres physico-chimiques, rhéologiques, stabilité biologique, valeur agronomique) ont été comparés aux valeurs seuils des normes NFU44-051, NFU44-095 et NFU42-001.
En parallèle, plusieurs procédés de post-traitement des digestats ont été évalués : pour les solides, le séchage et le compostage ; pour les liquides, le traitement biologique et la filtration membranaire.
La valorisation agronomique des digestats a été abordée par des essais au laboratoire, des essais au champ et de la modélisation qui permettent de déterminer : la valeur fertilisante azotée à court terme, la dynamique de minéralisation du C et N, les risques de phytotoxicité, et la simulation du devenir au champ C et N. Cette étude a été complétée par des mesures des émissions d’ammoniac et de gaz à effet de serre après simulation d’épandage des digestats en laboratoire.
Enfin, une évaluation des filières concernant les couts de fonctionnement et les impacts environnementaux (ACV) a été réalisée sur la base des données bibliographiques, des mesures réalisées dans le projet et de l’audit des sites.

La composition des digestats bruts dépend des déchets méthanisés mais varie peu pour une même filière. Leur déshydratabilité dépend de leur taux de MS et du ratio MO/MS. Ces règles ne s’appliquent plus après séparation de phase qui conserve le NH3 et le K dans la phase liquide et le C, le P et les métaux dans la phase solide.
Phase solide des digestats:
• Le séchage volatilise 75% du NH3 à 70°C et 100% au-dessus de 90°C. Le séchage sous air chaud ne détruit pas les spores de Clostridium perfringens. Celui par contact-agitation hygiénise le digestat mais crée un produit très pulvérulent.
• Le compostage requiert parfois l’ajout de structurant ou co-substrat pour monter en température et induit des émissions de NH3 importantes.
Phase liquide des digestats:
• La nitrification permet d’éviter les émissions de NH3 et garde l’azote dans le digestat. Cette piste de recherche pourrait être mieux explorée.
• Les procédés de filtration membranaire requièrent des prétraitements importants pour limiter le colmatage des membranes. Ils permettent cependant de capter plus de 93% de la MO résiduelle et 95% des ions des digestats.
Les digestats ont des propriétés agronomiques intermédiaires aux engrais et amendements. Leur épandage doit être maitrisé pour limiter la volatilisation du N-NH3 qui varie entre 30 et 84%. Dans les sols, les digestats induisent des émissions de N2O supérieures à celles des engrais minéraux. Ces émissions sont plus fortes pour les digestats avec un faible ratio C/Norg. Les essais au champ n’ont pas montré d’effet fort (positif ou négatif) de l’apport des digestats sur les rendements des cultures (coef. équivalent engrais mesurés de 40 à 50%).
L’évaluation des filières montre que l’épandage direct des digestats est la solution la plus économe et la moins impactante pour l’environnement. Les post-traitements n’ont d’intérêt que dans un contexte d’exportation d’azote ou de phosphore excédentaire ou pour la commercialisation des produits générés.

Réglementaires. Les digestats ne satisfont à aucune des normes existantes, il est nécessaire de poursuivre les demandes d’homologation pour faire avancer la législation et les connaissances des digestats. Des travaux et une réflexion de fond doivent être entrepris pour améliorer le dénombrement des entérocoques et Clostridium perfringens.
Technologiques. Les procédés de post-traitement des digestats étudiés sont plus ou moins efficaces et requièrent encore une optimisation pour obtenir les produits escomptés. La plupart des procédés installés sur site fonctionnent mal et leurs coûts de maintenance ont été largement sous-estimés. La récupération des émissions d’ammoniac au séchage et au compostage est nécessaire pour réduire les émissions vers l’atmosphère, assurer la sécurité des travailleurs et valoriser l’azote.
Agronomiques. Au-delà des nécessaires besoins de données et de modélisation à poursuivre, il apparait que des essais au champ sont toujours nécessaires pour tester la mise en œuvre de l’épandage réel des digestats (technologies disponibles), confirmer et prédire leurs valeurs de coefficient équivalent engrais et valider l’innocuité à long terme de leur épandage.
Analyse environnementale. L’analyse du cycle de vie a soulevé des interrogations sur l’intérêt du post-traitement des digestats, sans toutefois obtenir de réponse ferme. L’ACV demande encore beaucoup de développement pour l’évaluation localisée d’un impact, ce qui est absolument nécessaire dans le cas du retour au sol des déchets.

Les travaux réalisés dans DIVA ont été diffusés dans 24 conférences internationales, 16 conférences de vulgarisation et ont fait l’objet de 4 publications scientifiques. Cependant, l’impact de DIVA a été plus visible au niveau national par la présentation des résultats chaque année à un comité de suivi composé d’acteurs de la filière, des associations, des collectivités et des donneurs d’ordre ; la participation aux comités de pilotage du projet CASDAR Valdipro pour l’homologation des digestats agricoles et par la présentation des travaux au BN Ferti et aux colloques nationaux.

Dans un contexte environnemental où la pression s’accroit en termes de besoins énergétiques et de lutte contre le changement climatique, la valorisation biologique de la matière organique par digestion anaérobie et production de biogaz (méthanisation) va connaître un fort développement dans les années à venir. Ainsi le type de ressources utilisées se diversifie et l'utilisation de la méthanisation pour le traitement des déchets organiques est encouragée (boues urbaines, biodéchets municipaux et d'industries agroalimentaires, déjections animales). Cependant, la digestion anaérobie des déchets génère des résidus liquides, solides ou pâteux (les digestats), dont la valorisation, aujourd'hui principalement agronomique, pose encore de nombreuses questions. En effet, les possibilités de valorisation des digestats dans une filière "produit", et non plus comme "déchets", dépendent de nombreux paramètres : (i) la composition des digestats et leur adéquation aux normes amendement (NF U 44-051, NF U 44-095) ou engrais (NF U 42-001), (ii) la capacité des digestats à être transformés dans des étapes de post-traitement si elles s’avèrent nécessaires, (iii) une meilleure connaissance de la valeur agronomique et des risques de phytotoxicité des digestats bruts et post-traités, et enfin (iv) une meilleure connaissance des impacts environnementaux liés au post-traitement et à l'épandage des digestats (consommation énergétique et émissions de gaz à effet de serre notamment).
Des études récentes montrent que la composition des digestats est principalement influencée par le choix des intrants au procédé de méthanisation et que la valorisation de la fraction solide du digestat requiert aujourd'hui un post-traitement par co-compostage. Concernant la fraction liquide, il s’agit d’une fraction peut concentrée en azote et phosphore qui est actuellement majoritairement épandue directement en l’état. Les faibles concentrations de cette fraction limitent fortement les possibilités de transport ce qui engendre des difficultés de valorisation. La caractérisation précise de la composition des digestats bruts et le développement de procédés de post-traitement permettant de générer des produits valorisables sont donc demandés par les acteurs de la profession et les services de l'Etat afin d'assurer une sécurisation et une pérennisation de la filière de méthanisation.
Le projet DIVA réunit donc un consortium de 3 instituts publics de recherche, 1 institut privé, 2 entreprises et 1 cabinet d'étude qui travaillent sur les procédés de gestion et de traitement des déchets urbains et/ou agricoles. Adossé à un comité de suivi et d'utilisateurs, qui regroupe des représentants des agences françaises, des ministères et des collectivités, ce projet de recherche industrielle de 48 mois se donne pour objectifs scientifiques et techniques : (i) d'inventorier et caractériser les différents types de digestats et les filières de gestion actuellement utilisées en France, (ii) d'évaluer la capacité de ces digestats à être valorisés directement en agriculture ou à être transformés via des post-traitements ultérieurs pour atteindre le statut de produit, (iii) de préciser la valeur agronomique et d'évaluer l'impact environnemental du retour au sol des digestats bruts et transformés (notamment vis à vis du fonctionnement du cycle biogéochimique de l’azote : lessivage des nitrates, volatilisation d’ammoniac, émission de N2O), et (iv) d'effectuer un bilan technico-économique et environnemental (ACV) des filières de gestion des digestats (post-traitement et épandage) en comparaison avec l'épandage direct.
L'ensemble de ces travaux devra permettre, à terme, la mise en place d'un cadre réglementaire permettant une évolution des digestats d'un statut de "déchet" vers celui de "produit", notamment via la normalisation, l’homologation ou l’autorisation provisoire de vente.

Coordination du projet

Patrick DABERT (CEMAGREF/IRSTEA Antony) – patrick.dabert@irstea.fr

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

EGC / INRA INRA - CENTRE DE RECHERCHE DE VERSAILLES GRIGNON
Suez Environnement SUEZ ENVIRONNEMENT
Geotexia GEOTEXIA
ARMINES ARMINES
UMII LGPEB UNIVERSITE SCIENCES ET TECHNIQUES DU LANGUEDOC MONTPELLIER II
Solagro SOLAGRO
IRSTEA CEMAGREF/IRSTEA Antony

Aide de l'ANR 1 226 387 euros
Début et durée du projet scientifique : - 48 Mois

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