De la communication vocale animale au langage humain : approche comparative « cétacé - singe - homme » – ORILANG
Notre projet prend place dans le débat actuel sur les origines du langage. L?intérêt d?aborder cette question avec une approche interdisciplinaire (sciences de la vie/sciences humaines) est reconnu internationalement. Malgré leur proximité à l?homme, les primates non-humains (PNH) sont étrangement rarement considérés comme de bons modèles pour une comparaison homme?animal. Cela vient d?anciennes études qui ont suggéré que leurs cris étaient fixés génétiquement alors que les oiseaux, les cétacés et l?homme présentent des analogies de flexibilité vocale. Cela crée un « fossé phylogénétique » intrigant au sein des mammifères pour les théoriciens de l?évolution du langage. Le langage et la communication vocale animale sont des actes sociaux et nous pensons que les pressions sociales ont joué un rôle clé dans leur évolution. De plus, trouver des précurseurs du langage humain dans la communication vocale animale nécessite une analyse de toutes les facettes du langage : production?utilisation?perception. Nous proposons de défier ou nuancer le supposé «fossé phylogénétique » avec une analyse comparative des influences sociales sur la communication des enfants humains et de mammifères plus (cercopithèques) ou moins (dauphins) apparentés à l?homme. Les cercopithèques forestiers et les dauphins sont idéals pour cette étude car ils communiquent essentiellement par cris en raison d?un habitat visuellement limité. Les études sur les singes forestiers sont rares ce qui peut avoir contribué à sous-estimer les capacités communicatives des PNH. Des études récentes sur la production vocale, dont la mienne chez la mone, contredisent la dichotomie entre cris innés des PNH et langage acquis. J?ai montré du partage vocal de signatures acoustiques entre partenaires affiliés, indépendamment de l?âge, de la parenté et du statut. Il s?agit d?une première description similaire chez un PNH alors que cela est bien documenté chez les dauphins et l?homme (notamment étudié chez l?enfant par un membre de l?équipe). Egalement, une certaine plasticité vocale a été décrite chez les PNH lors d?événements sociaux inhabituels (changement de composition du groupe). Mais les facteurs sociaux précis structurant les répertoires individuels sont encore méconnus chez les dauphins, cercopithèques mais également chez l?enfant humain étant donné que la plupart des études concernent les adultes. Trois axes de recherche complémentaires sont proposés. L?axe 1 analysera les influences sociales sur la production vocale. Nous effectuerons des observations développementales à long terme dans des contextes environnementaux variés afin de savoir comment les caractéristiques individuelles (sexe, âge) et/ou sociales modulent la production vocale pouvant aboutir au partage vocal. Les enfants seront observés à l?école et à la maison. Les dauphins et cercopithèques seront observés en captivité et sur le terrain, en collaboration avec K. Zuberbühler spécialiste de renom des cercopithèques sauvages et directeur d?une station de terrain en Côte d?ivoire. De plus, trois espèces de singes forestiers, phylogénétiquement proches mais aux structures sociales naturelles variées (famille, harem, multimâle multifemelle), seront comparées en contexte social stable et lors de la formation de nouveaux réseaux sociaux. Mais focaliser la comparaison entre mammifères sur des capacités autres que celles liées à la production peut également monter à quel point les primates humains et non-humains se ressemblent. L?axe 2 analysera les influences sociales sur l?utilisation et la perception vocale. Nos recherches précédentes sur les cercopithèques ont souligné l?existence potentielle de formes primitives de propriétés du langage : communication référentielle, proto-syntaxe et proto-conversation. Des expériences sur le terrain (repasse, simulation de prédateur) sont désormais nécessaires pour confirmer que la variabilité et les règles de communication observées ont un sens pour les animaux. Nous étendrons ces analyses au dauphin pour qui nous ne savons presque rien à ce sujet. Des discussions théoriques seront conduites entre éthologues, psychologues et linguistes pour voir dans quelle mesure ces capacités seraient des précurseurs de certaines caractéristiques du langage. Le rôle joué par les facteurs sociaux sur l?acquisition de ces capacités chez l?homme sera évalué en comparant des enfants au développement typique et atypique, présentant différents degrés de troubles sociaux (syndrome de Williams, autisme). L?axe 3 propose une approche de biologie évolutive concrète. Les cercopithèques sont intéressants car ils représentent une famille de 26 espèces avec une grande variété de systèmes sociaux. Nous étudierons le poids relatif de la phylogénie et des facteurs sociaux (composition du groupe, réseau social) sur le répertoire vocal (taille, variabilité). Nous attendons de ce programme des bénéfices transdisciplinaires apportant des informations utiles à l?émergence de théories nouvelles.
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Début et durée du projet scientifique :
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