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– PHS2M

Résumé de soumission

Depuis une vingtaine d'années, la médecine mentale connaît un bouleversement qui affecte ses paradigmes, ses procédés thérapeutiques et ses concepts fondamentaux. On peut le caractériser comme suit: les questions classiques de la psychiatrie (celles de la maladie mentale et de son traitement possible) ont été peu à peu remplacées par des problèmes plus vastes regroupés sous l'intitulé: santé mentale. Dans le paradigme de la santé mentale, ce qui relève de l'esprit normal (par ex. le développement de ses capacités virtuelles, voire l'augmentation positive de la qualité de la vie au moyen d'une meilleure gestion du mental ) dompte au moins autant que l'accent traditionnel sur l'anormalité psychique. Dans ce cadre, on peut spécifier deux tendances. D'un côté, les neurosciences, qui s'intéressaient au départ au fonctionnement normal de l'esprit, ont donné naissance à des neurosciences psychiatriques qui sont devenues, avec la neuroimagerie, le standard scientifique pour la recherche dans toutes sortes de maladies mentales. Réciproquement, de vieux problèmes de la psychiatrie clinique, l'autisme, les troubles affectifs, la schizophrénie, les comportements impulsifs et les obsessions, sont devenus des problèmes centraux pour les nombreuses théories naturalistes de l'intentionnalité, de la cognition sociale et des émotions qui sont en ce moment même testées (par ex., l'idée que nous sommes dotés d'une théorie de l'esprit , module cognitif sélectionné par l'évolution). Mais d'un autre côté aussi, la santé mentale est devenue un enjeu et un défi crucial, politique et idéologique, pour les politiques publiques des pays développés. Le bien-être est de plus en plus conçu en termes de santé mentale, et, réciproquement, le langage de la santé mentale offre de nouveaux moyens d'expression au malaise des individus et à leurs idéaux d'autonomie morale (le self-help, care/cure, etc.). On assiste à l'apparition de formes nouvelles de prise de conscience et d'action collective: les associations de malades, ainsi, non seulement revendiquent de participer activement aux recherches des psychiatres sur leur état mental, mais en viennent même à promouvoir des styles de vie alternatifs fondés sur lui (c'est le mouvement de la neurodiversité ). Les normes de ce qu'est une psychothérapie efficace, éthique, et fondée sur la science, sont devenues un sujet de polémique, spécialement en France. Partout dans le monde, l'épidémiologie psychiatrique, tiraillée entre génétique et sciences sociales, bute sur des dilemmes de teneur épistémologique (par exemple, faut-il de nouveau parler de race?), qui se transforment en enjeux politiques. Mais partout, normes et valeurs, qu'elles soient sexuelles, morales ou professionnelles, sont toujours davantage évaluées en termes de santé mentale, comme s'il s'agissait là d'une façon nouvelle mais obligatoire d'exprimer son bien-être ou son malaise. Et c'est ainsi que la santé mentale est un des lieux où se forge le soi contemporain. C'est pourquoi ce n'est pas uniquement un enjeu épistémologique dans le champ de la médecine mentale. C'est aussi un enjeu socio-anthropologique. Vu avec les lunettes de l'historien, une des manifestations les plus frappantes de l'émergence du paradigme de la santé mentale est le progressif repli, voire le déclin de la psychologie traditionnelle. Soit c'est une sous-partie des neurosciences, et donc fondée sur le cerveau; soit elle se fond dans un large spectre de pratiques et de techniques relationnelles, dont la clé est au bout du compte sociologique. La littérature internationale donne des preuves abondantes de ce bouleversement en cours en médecine mentale. A l'étranger, il est bien reconnu et étudié. De nombreux programmes interdisciplinaires ont été initiés, ainsi au Royaume-Uni ou aux Etats-Unis, faisant collaborer cliniciens, philosophes, sociologues et anthropologues, pour qu'ils se saisissent des difficultés que ce nouveau paradigme véhicule. Car ces questions abstraites ont un fort

Coordination du projet

CASTEL Pierre-Henri (Université)

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

Aide de l'ANR 220 000 euros
Début et durée du projet scientifique : septembre 2014 - 36 Mois

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