Un public standard: la mesure d'audience télévisée comme norme culturelle globale – AudiTVmonde
Le projet s'inscrit dans le développement des études comparatives sur les médias. Il se situe au carrefour de deux problématiques: principalement l'histoire et la sociologie des représentations du public de la télévision, mais aussi la globalisation culturelle. Il se propose d'élucider la construction et les mutations actuelles des indices d'audience quantitative parmi les autres formes de représentation du public maniées par les organismes de télévision dans différents pays. Il s'intéresse à cette forme de représentation du public de la télévision devenue prédominante dans tous les systèmes audiovisuels, publics comme privés. Elle connaît en effet une circulation qui dépasse la seule télévision, touche les autres grands médias et imprègne le débat public. Le projet en analyse l'arrivée progressive dans des contextes nationaux différents, et son articulation avec les formes antérieures de représentation du public: voix de la critique, des pairs, courrier, images de spectateur exemplaire ou typique, premiers sondages irréguliers, de natures très diverses… Pour apprécier la dimension globale de ce phénomène, il faut étudier selon une problématique commune des pays aux situations et aux histoires différentes. Le projet part de trois pays européens : la France, système de télévision jadis dominée par un grand service public mâtiné pourtant dès l'origine d'éléments de commerce (publicité et concurrence interne) ; le Royaume-Uni, longtemps le modèle de télévision de qualité hautement régulée (quoique concurrentielle) ; l'Italie, modèle inverse, où une RAI en situation de monopole a été prise dans la tourmente de la dérégulation sauvage et a dû s'adapter à l'émergence rapide d'un groupe multimédias privé très puissant. Le projet exploitera aussi les recherches menées sur l'audience aux États-Unis, où l'usage des mesures d'audience est le plus ancien et le plus développé (mais pas nécessairement le plus avancé techniquement). Il regardera aussi en dehors du monde occidental, en Amérique Latine, où la télévision commerciale s'est développée très tôt mais dans un contexte culturel particulier : au Brésil, le géant de la télévision latino-américaine où la mesure d'audience est arrivée à un haut niveau de sophistication, et l'Argentine, cas de dépendance où la télévision commerciale plus fragile mesure s'inspire et adapte le modèle brésilien. Le projet ajoutera d'autres pays pour des comparaisons occasionnelles, comme Israël, très américanisé, au marché très modeste quoique dynamique. L'équipe est coordonnée par deux chercheurs du Centre de Sociologie de l'Innovation, qui travailleront avec des chercheurs situés en Italie, Grande-Bretagne et Amérique latine. L'enquête comparée portera sur trois aspects : 1. l'arrivée de l'audience quantifiée et quasi instantanée (audimètres dans les années 1980-1990). 2. les moments de crise ou de mises à l'épreuve où le système est controversé par des acteurs directement impliqués, professionnels des chaînes publiques ou privées, annonceurs, agences, mais également par des acteurs du monde public, politique, voire économique, et où il fait l'objet d'une mise en cause publique. 3. La confrontation du système audimétrique, avec les besoins de mesure d'audience des nouveaux médias – et des nouveaux modes de distribution du contenu télévisuels (Internet). Le projet est original à un double titre. En premier lieu, il prend au sérieux la mesure d'audience, donnée essentielle et mondialisée de la télévision d'aujourd'hui. Cette donnée, considérée comme une boîte noire, a été peu étudiée par les chercheurs. Dans l'ensemble, les études du public et de la réception la négligent voire la méprisent. Certaines études la prennent au pied de la lettre, d'autres la traitent comme une forme de domination politique du public, ce qui est une façon d'évacuer son caractère social. En deuxième lieu, il propose une vision comparée de la télévision, rejoignant ainsi la tendance à dépasser les études nationales au profit d'études internationales. Mais il tient à préserver la dimension nationale, en étudiant la globalisation comme une nouvelle façon d'articuler le global et le national. La mesure d'audience, de ce point de vue, produit des effets dans la représentation de chaque public national qu'elle homogénéise en rendant comparable les catégories de publics, le succès des émissions et des chaînes. Elle signale aussi le passage d'une télévision instrumentalisée par un État dotée d'objectifs forts à une télévision commerciale dominée par de grands groupes négociant son statut avec l'État mais se référant toujours à la nation définie comme nation-marché. Au-delà des études de médias, ceci intéressera les historiens de la culture, les politistes, et toutes les disciplines intéressées par les formes changeantes de représentation du public.
Coordination du projet
Cecile MEADEL (Université)
L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.
Partenaire
Aide de l'ANR 83 000 euros
Début et durée du projet scientifique :
- 36 Mois